janv. 22, 2011
trembler (travail de composition d'un texte)
poème en chantier : 1, 2, 3, 4, 5, 6
1.
trembler d'émotion
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec celui qui désire
et celle qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre
2.
trembler d'émotion
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec celui qui désire
et celle qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre
_émotion_ |trop explicatif, démonstratif, voire explicite
laisser plus d'énigme, davantage de silence, où peut venir se poser le lecteur | plutôt en dire moins que trop
_celui/celle_/même remarque
referme la griffe sur l'étiquetage du genre et du nombre
laisser l'expansion possible de la langue, lui offrir l'air et l'espace où s'épanouissent les grands arbres en lumière du deuxième vers
3.
trembler
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre
où est le focus
où le poème fait-il le point
entre trembler et être un arbre, voire le devenir
le devenir tellement la conscience sensible s'y installe et s'y abandonne
donc pour l'infinitif un vers séparé des autres par un interligne
rythme dans les signes posés sur le papier et rythme de la respiration de leur lecture
4.
trembler
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre
une unité dans les trois vers qui suivent ce trembler me semble réclamer un interligne à leur suite pour qu'elle apparaisse plus clairement, et séparée des deux vers suivants qui construisent une autre unité
revient aussi la question musicale du rythme
et quelque chose dans la succession des trois pluriels de la fin de chaque vers me gêne
trop flou / l'image manque de piqué
et encore le rythme : 8 7 8 plutôt que 9 7 8
alors il n'y aurait qu'un arbre
il n'y a qu'un arbre dans lequel la conscience sensible s'abîme
ça donnerait ce qui suit
5.
trembler
avec la lumière dans l'arbre
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre
encore quelque chose dans le rythme ne convient pas dans les deux derniers vers
peut-être ne sont-ils pas à donner sans interligne pour sauvegarder l'arbre en solitude, l'arbre qui se détache dans l'espace du poème autant que celui de la vision extérieure, il est dans le focus, il convient qu'il se voie
et la succession des deux derniers vers peut laisser supposer que être un arbre serait conséquence de ce refus, ce dire non, ce qui n'est pas le cas
alors ajout d'un interligne
cela dissociera la fuite et le qui dit non auquel le poème ne veut pas le lier
et cela mettra aussi en valeur ce "qui dit non " auquel ici je tiens, en cette occurrence-là, manière de ne pas céder, manière de tenir, de stehen, à la celan
6.
trembler
avec la lumière dans l'arbre
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre
mais la dissociation n'est pas assez forte
ce qui dit non est trop tranchant, brutal, ne correspond pas à l'élan sensible, il fait écran au mouvement, au vent, à la lumière
je vais reprendre le verbe trembler et voilà que le poème me dit la conscience sensible entrée dans la contemplation de l'arbre jusqu'à sa métamorphose
élan final du poème
avec la lumière dans l'arbre
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
et qui dit non
trembler
jusqu'à être un arbre
20:01 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
janv. 15, 2011
La mer au plus près
A minuit, seul sur le rivage. Attendre encore, et je partirai. Le ciel lui-même est en panne, avec toutes ses étoiles, comme ces paquebots couverts de feux qui, à cette heure même, dans le monde entier, illuminent les eaux sombres ports. L'espace et le silence pèsent d'un seul poids sur le coeur. Un brusque amour, une grande oeuvre, un acte décisif, une pensée qui transfigure, à certains moments donnent la même intolérable anxiété, doublée d'un attrait irrésistible. Délicieuse angoisse d'être, proximité exquise d'un danger dont nous ne connaissons pas le nom, vivre, alors, est-ce courir à sa perte ? A nouveau, sans répit, courons à notre perte.
Albert Camus
12:01 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
janv. 03, 2011
SOS de la librairie La voix au chapitre à St Nazaire
SOS
mercredi 6 octobre 2010, par Gérard Lambert
18:41 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
janv. 01, 2011
V(o)eux 2011
19:53 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
déc. 28, 2010
Mad about the boy
... dans un mouvement commun un geste très simple on a chacun laissé pendre notre main et nos mains se sont frôlées interrogées puis comprises dans la seconde je vous le jure elles se sont comprises et enlacées serrées et cette chaleur-là je ne peux jamais l'oublier quand on ne se regardait pas qu'on se touchait ça a duré tellement longtemps et personne ne pouvait s'en apercevoir on était bousculés de plus en plus près et on continuait à parler en se tenant la main chacun de notre côté on parlait et on souriait j'en suis sûr moi je souriais comme un fou oui j'avais vingt ans j'étais jeune à nouveau puisqu'il ne me voyait pas mais me touchait je souriais j'étais pure la petite fille qui l'attendait dans ses rêves depuis l'enfance l'écolière qui croit aux contes je n'avais rien vécu avant ce jour et j'avais honte de penser ça et j'avais trop vécu ça m'a giflée parce que j'ai pensé que c'était trop tard ça m'a révoltée vous ne pouvez pas savoir j'ai pensé que j'avais le droit à ce bonheur à...
Emmanuel Adely
15:01 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
déc. 13, 2010
Sans titre
Derrière la porte il ne respire qu'à moitié
Si elle entre rien ne s'arrête
Ne s'oppose
A celle qui s'approche elle est vraie
Maintenant on peut s'ouvrir en deux
Les lèvres pas toutes seules
Pour que ce soit sa figure
Elle recule
Contre l'armoire l'attend, figée de désir
Pas froid chérie
Il faut poser sa robe
Elle touche sa nuque et il respire un peu
Tête baissée ce qu'on devient
Le coeur comme sous les meubles
Regarder ou pas forcément
Les lèvres n'arrivent pas à mordre comme si elles essayaient
Rien ne fait ce qui était prévu mais c'est ça
Ariane Dreyfus
10:50 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
déc. 05, 2010
La castration mentale
17:27 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
nov. 21, 2010
Je ramais sur un lac
Je ramais sur un lac. Cela se passait dans une grotte voûtée où il n'y avait pas de jour, et pourtant il faisait clair, une lumière pure et uniforme tombait de la pierre aux reflets bleu pâle. Bien qu'on ne sentît pas de courant d'air, les vagues montaient, mais pas au point de mettre en danger ma barque qui, quoique petite, était solide. Je ramais tranquillement en fendant les vagues, mais je pensais à peine à ce que je faisais, je ne m'occupais que de rassembler toutes mes forces pour absorber le silence qui régnait en ce lieu, un silence tel que je n'en avait jamais trouvé nulle part ailleurs dans ma vie. C'était comme un fruit dont je n'avais jamais mangé et qui était pourtant le plus nourrissant de tous, j'avais fermé les yeux et je buvais le silence. Pas en toute quiétude, à vrai dire, le silence était encore parfait, mais il y avait constamment une menace de trouble, le bruit était encore retenu par quelque chose, mais il était devant la porte, crevant d'envie de se déchaîner enfin. Je lui fis les gros yeux, à lui qui n'était pas là, puis je détachai un aviron de la toletière et, me mettant debout dans la barque qui oscillait, je fis avec mon aviron un geste de menace dans le vide. Le silence durait encore et je continuais à ramer.
Franz Kafka
21:27 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
nov. 15, 2010
Morte saison
D'un seul coup
le temps-éclair d'un mauvais songe
Tu as vidé les étriers
La vie a pris ta monture
et s'éloigne de toi
dans un galop de cendre
La laine des mots aimés
est partie en flocons
vers le ciel qui pâlit
Blanc réduit à rien
blanc ouvert jusqu'à l'os
Amidon d'hôpital tout ouaté
de menaces
Têtes foudroyée qui bourdonne
sans rime ni raison
De lourdes clés ont fermé derrière nous
les serrures sonores de novembre
L'alccol murmure en secret
dans ses jarres tréssées d'osier frais
Désormais c'est dans un autre ailleurs
qui ne dit pas son nom
dans d'autres souffles et d'autres plaines
qu'il te faudra
plus léger que boule de chardon
disparaître en silence
en retrouvant le vent des routes
Nicolas Bouvier
14:28 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
nov. 10, 2010
Comme des fleurs d’amandier ou plus loin
Comme si j'étais joyeux, je suis revenu. J'ai sonné
à plusieurs reprises à la porte et attendu...
J'avais peut-être tardé. Personne ne m'a ouvert.
Pas un souffle dans le corridor.
Je me suis souvenu que j'avais les clés
de ma maison
et je me suis excusé de moi-même :
Je t'ai oublié. Entre !
Nous sommes entrés. Dans ma maison,
j'étais l'hôte et l'invité.
J'ai regardé le mobilier du vide,
n'ai trouvé aucune trace
de moi. Peut-être... peut-être n'ai-je jamais été là.
Je n'ai trouvé aucune ressemblance
dans les miroirs.
Je me suis demandé : Où suis-je ?
et, en vain, j'ai crié pour me réveiller
de ce délire...
Je me suis brisé telle une voix qui a roulé
sur le dallage. Je me suis dit : Pourquoi ce retour ?
Et je me suis excusé de moi-même : Je t'ai oublié.
Sors !
Mahmoud Darwich
17:29 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
oct. 05, 2010
Les mots
mais cela peut toujours être
comme dans une usine
ou comme dans une prison
ou comme dans un asile
l’ordre du langage est toujours menacé
il peut toujours être excédé
par quelque chose
qui viendrait
du dehors
l’anéantir
en tant que demeure
humaine
le langage est fondé
sur ce qui se passe
entre les mots
si cet entre-mots
tombe
alors
désastre
la violence
10:11 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
sept. 30, 2010
Ainsi parlait Zarathoustra
J'ai volé trop loin dans l'avenir : un frisson d'horreur m'a assailli.
Et lorsque j'ai regardé autour de moi, voici, le temps était mon seul contemporain.
Alors je suis retourné, fuyant en arrière — et j'allais toujours plus vite : c'est ainsi que je suis venu auprès de vous, vous les hommes actuels, je suis venu dans le pays de la civilisation.
Pour la première fois, je vous ai regardés avec l'oeil qu'il fallait, et avec de bons désirs : en vérité je suis venu avec le cœur languissant.
Et que m'est-il arrivé ? Malgré le peu que j'ai eu — j'ai dû me mettre à rire ! Mon oeil n'a jamais rien vu d'aussi bariolé !
Je ne cessai de rire, tandis que ma jambe tremblait et que mon cœur tremblait, lui aussi : “Est-ce donc ici le pays de tous les pots de couleurs ?” — dis-je.
Le visage et les membres peinturlurés de cinquante façons : c'est ainsi qu'à mon grand étonnement je vous voyais assis, vous les hommes actuels !
Et avec cinquante miroirs autour de vous, cinquante miroirs qui flattaient et imitaient votre jeu de couleurs !
En vérité, vous ne pouviez porter de meilleur masque que votre propre visage, hommes actuels ! Qui donc saurait vous — reconnaître ?
Barbouillés des signes du passé que recouvrent de nouveaux signes : ainsi que vous êtes bien cachés de tous les interprètes !
Et si l'on savait scruter les entrailles, à qui donc feriez-vous croire que vous avez des entrailles ? Vous semblez pétris de couleurs et de bouts de papier collés ensemble.
Tous les temps et tous les peuples jettent pêle-mêle un regard à travers vos voiles ; toutes les coutumes et toutes les croyances parlent pêle-mêle à travers vos attitudes.
Celui qui vous ôterait vos voiles, vos surcharges, vos couleurs et vos attitudes n'aurait plus devant lui que de quoi effrayer les oiseaux.
En vérité, je suis moi-même un oiseau effrayé qui, un jour, vous a vus nus et sans couleurs ; et je me suis enfui lorsque ce squelette m'a fait des gestes d'amour.
Nietzsche
10:28 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
août 14, 2010
Cahier de verdure
Cette fois, il s'agissait d'un cerisier; non pas d'un cerisier en fleurs, qui nous parle un langage limpide; mais d'un cerisier chargé de fruits, aperçu un soir de juin, de l'autre côté d'un grand champ de blé. C'était une fois de plus comme si quelqu'un était apparu là-bas et vous parlait, mais sans vous parler, sans vous faire aucun signe; quelqu'un, ou plutôt quelque chose, et une "chose belle" certes; mais, alors que, s'il s'était agi d'une figure humaine, d'une promeneuse, à ma joie se fussent mêlés du trouble et le besoin, bientôt, de courir à elle, de la rejoindre, d'abord incapable de parler, et pas seulement pour avoir trop couru, puis de l'écouter, de répondre, de la prendre au filet de mes paroles ou de me prendre à celui des siennes - et eût commencé, avec un peu de chance, une tout autre histoire, dans un mélange, plus ou moins stable, de lumière et d'ombre; alors qu'une nouvelle histoire d'amour eût commencé là comme un nouveau ruisseau né d'une source neuve, au printemps - pour ce cerisier, je n'éprouvais nul désir de le rejoindre, de le conquérir, de le posséder; ou plutôt: c'était fait, j'avais été rejoint, conquis, je n'avais absolument rien à attendre, à demander de plus; il s'agissait d'une autre espèce d'histoire, de rencontre, de parole. Plus difficile encore à saisir.
Philippe Jaccottet
20:29 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
juil. 27, 2010
Thomas l'obscur
Thomas demeura à lire dans sa chambre. Il était assis, les mains jointes au-dessus de son front, les pouces appuyés contre la racine de ses cheveux, si absorbé qu'il ne faisait pas un mouvement lorsqu'on ouvrait la porte. ceux qui entraient, voyant son livre toujours ouvert aux mêmes pages, pensaient qu'il feignait de lire. Il lisait. Il lisait avec une attention et une minutie insurpassables. Il était, auprès de chaque signe, dans la situation où se trouve le mâle quand la mante religieuse va le dévorer. L'un et l'autre se regardaient. Les mots, issus d'un livre qui prenait une puissance mortelle, exerçaient sur le regard qui les touchait un attrait doux et paisible. chacun d'eux, comme un œil à demi fermé, laissait entrer le regard trop vif qu'en d'autres circonstances il n'eût pas souffert [...] Il se voyait avec plaisir dans cet œil qui le voyait. Son plaisir même devint très grand. Il devint si grand, si impitoyable qu'il le subit avec une sorte d'effroi et que, s'étant dressé, moment insupportable, sans recevoir de son interlocuteur un signe complice, il aperçut toute l'étrangeté qu'il y avait à être observé par un mot comme par un être vivant, et non seulement un mot, mais tous les mots qui se trouvaient dans ce mot, par tous ceux qui l'accompagnaient et qui à leur tour contenaient eux-mêmes d'autres mots, comme une suite d'anges s'ouvrant à l'infini jusqu'à l'œil absolu. D'un texte aussi bien défendu, loin de s'écarter, il mit toute sa force à vouloir se saisir, refusant obstinément de retirer son regard, croyant être encore un lecteur profond, quand déjà les mots s'emparaient de lui et commençaient de le lire.
Maurice Blanchot
13:43 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier