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juin 18, 2009

Ecrire

Autour de nous, tout écrit, c'est ça qu'il faut arriver à percevoir, tout écrit, la mouche, elle, elle écrit, sur les murs, elle a beaucoup écrit dans la lumière de la grande salle, réfractée par l'étang. Elle pourrait tenir dans une page entière, l'écriture de la mouche. Alors elle serait une écrture. Du moment qu'elle pourrait l'être, elle est déjà une écriture. Un jour, peut-être, au cours des siècles à venir, on lirait cette écriture, elle serait déchiffrée elle aussi, et traduite. Et l'immensité d'un poème illisible se déploierait dans le ciel.

Marguerite Duras

juin 07, 2009

Bon anniversaire pépé

juin 05, 2009

Terminal Frigo

... Vers 2 heures de l’après-midi, à marée basse et par calme plat, les eaux jaune paille de l’estuaire, vues de haut, par exemple du toit de la base sous-marine ou du balcon d’un appartement situé dans les étages supérieurs du Building, apparaissent aussi figées qu’une banquise. La seule chose qui ne colle pas avec cette banquise, c’est la rive adverse, dont la platitude et la végétation dense, ou donnant de loin l’illusion de la densité, évoquent plutôt la mangrove, et donc les Tropiques...

Jean Rolin

L'évidence d'aimer

Après avoir franchi (sans idée préconçue) bien des tempêtes, trafiqué de presqu'îles en alphabets, tranché l'amarre des grammaires et des banquises, j'entends — la nuit est claire, comme exorcisée —, dans un cliquetis d'élytres, soudain la mort. Elle supplicie, d'une langue étonnament ingénue, la coquille sèche des mots...

Louis Dubost

mai 24, 2009

Ouvrez

"- Oh regardez, on voit quelque chose...on distingue mal...c'est sorti de la "parole donnée", ça s'avance en rampant vers la paroi, vers nous...une forme tremblante...

- Un transfuge...Vous l'entendez ? Il frappe doucement...c'est un chuchotement...Les contrevérités nous attaquent, elles cognent de toute leurs forces...on n'en peut plus...venez à notre secours...sortez...je vais ouvrir...que de la vérité sorte...Nous on demande pas mieux...chez nous, les vérités, même celles qui sont les moins bonnes à dire circulent librement...et rien que de voir celle-là enfermée, comprimée comme ça...on commençait à ses entir incommodés...

- Seulement voilà, il a eu peur, il a juste entrouvert un peu et vite il a refermé, il a déguerpi à toute allure, il est retourné ni vu ni connu se mettre à l'abri dans "la parole donnée"...

- Mais quelque chose a réussi à s'échapper par la fente... "Pourtant" qui se tenait tout contre la sortie, trépignant comme toujours d'impatience...prêt à s'élancer... "Pourtant" a réussi à passer..."Pourtant"? Toutes les contrevérités s'immobilisent, médusées..."

Nathalie Sarraute

mai 17, 2009

Souci

... Et quand vous enlevez l'autre peau, le sac qui vous sert de visage ils sont là les soucis. La trace de vous -même remorqué dans la vie par la peau du cou, raclé par les fesses ou cogné dans le mur. On enlève cette peau-là aussi, pour réfléchir un moment : on la tient devant soi, les yeux dans les yeux on se regarde. Qui tu es, toi, si on enlève ce que tu n'as pas choisi et qui s'écrit. Qu'est-ce qui te reste ?...

François Bon

mai 08, 2009

Je marche au bras du temps

Le poids des souvenirs, la vie dans les souvenirs, l'appartenance et le désir de fuir, le destin, la liberté, le choix, la vocation, les rencontres, les mystères et les énigmes, les fantômes et les révélations. Le goût du bonheur, ah, le goût du bonheur! C'était comme un livre qui plongeait dans les deux autres, qui revenait sur les noeuds, les trous, les silences. Et qui m'obligeait à écouter ma vie, en grattant jusqu'à l'os. Quand on a le temps, la vie fait de l'écho. Et on entend cet écho, qui revient, qui se propage, qui insiste. On écoute et on comprend, douloureusement parfois. Des liens se font, des évidences s'imposent. Et des éclairs, soudain transpercent le ciel. C'est un livre qui m'a fait mal, que j'ai eu du mal à écrire. Mais qui m'a libéré, délivré. Du désert j'avais fait un livre. J'avais trouvé la source. L'écriture fait vivre et donne la vie.

Alain Rémond

Siddhartha

A chaque pas qu'il faisait sur la route, Siddhartha apprenait quelque chose de nouveau, car le monde pour lui était transformé et son coeur transporté d'enchantement. Il vit le soleil se lever au-dessus des montagnes boisées et se coucher derrière les lointains palmiers de la rive ; il vit, la nuit, les étoiles, leur belle ordonnance dans le ciel et le croissant de la lune, tel un bateau flottant dans l'azur. Il vit des arbres, des astres, des animaux, des nuages, des arc-en ciels, des rochers, des plantes, des fleurs, des ruisseaux et des rivières, les scintillements de la rosée le matin sur les buissons, de hautes montagnes d'un bleu pâle, au fond de l'horizon, des oiseaux qui chantaient, des abielles, des rizières argentées qui ondulaient sous le souffle du vent. Toutes ces choses et mille autres encore, aux couleurs les plus diverses, elles avaient toujours existé, le soleil et la lune avaient toujours brillé...

Hermann Hesse

avril 17, 2009

Quant tu aimes, il faut partir

Ce que j'aime, c'est partir, prendre la route. L'espace, le présent, l'oubli. La route c'est moi, c'est un serpent, et le chemin étendu derrière moi c'est mon ancienne peau que j'abandonne, encore. La route c'est ma vie, me défaire continuellement de mes enveloppes, m'extraire de moi pour renaître neuve, brillante, donner le jour à l'inconnue qui veille en moi, à fleur de peau, dans l'attente de sa libération. Je suis partie ce matin...

A. Reyes

 

avril 16, 2009

Univers, univers

Elle a eu trop de noms pour qu'on s'en souvienne. A présent le gigot est cru, l'agneau s'en sert encore pour gambader dans la campagne, grimper aux arbres, s'envoler de la plus haute branche avec la grasse d'un caillou, d'un caïman, d'un lecteur tombé tête la première dans un roman. Un roman décédé de mort subite. Les livres meurent debout.

Univers, univers, R. Jauffret

avril 06, 2009

Carnets de Jerusalem

 

L'étoffe infiniment complexe d’un morceau de réalité vivant lié à un temps, et dont les fils et les mouvements débordent nécessairement ce temps, tissées d’une poignée de pierres et de lumières, de voûtes et de vallées, d’échanges avec les hommes et les choses , de lectures de livres, de nous-mêmes et du monde, de quelques rosiers et d’un désert à portée de la main ; mais aussi du rire et des larmes des enfants qu¹on regarde grandir, des heurs et malheurs d’une maisonnée bourdonnante d’objets, de bêtes et de passants, de la compagnie des malades et du lent apprentissage de l¹écoute de l’autre, de la joie et des difficultés de vivre, des conversations nocturnes sur la terrasse près du jasmin face à la crête judéenne drapée de noir, la résonance lointaine des mots dans la nuit, contrastant avec la proximité troublante des étoiles et de la pensée de l¹infini , c’est tout cela pour moi, et tant d’autres choses encore, Jérusalem.

Carnets de Jérusalem, Lorand Gaspard

mars 22, 2009

Résidents de la République (résolument Bashung)

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Un jour je t’aimerai moins
Jusqu’au jour où je ne t’aimerai plus
Un jour je sourirai moins
Jusqu’au jour où je ne sourirai plus
Un jour je parlerai moins
Jusqu’au jour où je ne parlerai plus
Un jour je cou rirai moins
Jusqu’au jour où je ne cou rirai plus

Hier on se regardait à peine
C’est à peine si l’on se penchait
Aujourd’hui nos regards sont suspendus
Nous résidents de la république
Où le rose a des reflets de bleu
Résidents, résidents de la république
Des atomes, fais ce que tu veux

Un jour je te parlerai moins
Peut-être le jour où tu ne me parleras plus
Un jour je voguerai moins
Peut-être le jour où la terre s’entrouvrira

Hier on se regardait à peine
C’est à peine si l’on se penchait
Aujourd’hui nos regards sont suspendus
Résidents, résidents de la république
Où le rose a des reflets de bleu
Résidents, résidents de la république
Chérie, des atomes, fais ce que tu veux…

Résidents de la République, G. Roussel

Mon ange je t'ai haï
je t'ai laissé aimer d'autres que moi
Un peu plus loin qu'ici
Mon ange je t'ai trahi
tant de nuits alité
que mon cœur a cessé
de me donner la vie
si loin de moi...

des armées insolites,
et des ombres équivoques,
des fils dont on se moque,
et des femmes que l'on quitte
des tristesses surannées
des malheurs qu'on oublie
des ongles un peu noircis

mon ange je t'ai puni
à tant me sacrifier
icône idolâtrée
immondices à la nuit
mon ange je t'ai haï
je t'ai laissé tuer
nos jeunesses ébauchées
le reste de nos vies
si loin de moi...

mes armées insolites
et des ombres équivoques
des fils dont on se moque,
et des femmes que l'on quitte
des tristesses surannées
des malheurs qu'on oublie
des ongles un peu noircis
mon ange je t'ai Haï

Tant de nuits, J. D

mars 15, 2009

Pitiés

…les deux coudes plantés sur le bord de la table, de ses paumes il soutient son menton comme si sa tête était trop lourde, trop lourde de pensées, ce qui est vrai encore que ce ne soit pas des pensées mais des choses flottantes, des bouts de phrases et d‘idées fixes qui tournent et s’associent, se défont et reviennent, on connait ça, ruminations, et sans qu’il soit fou, non sans qu’il soit ce qu’on appelle fou, ou bien alors ni plus ni moins que beaucoup d’autres qui se lèvent à heure dite, vont au travail, rentrent et se couchent, ainsi de suite, sans que pourtant non plus s’arrête la moulinette dans leur tête, il a dans la main droite une télécommande, et la télévision trône là-haut sur le frigo dans le coin gauche et non pas face à lui car face à lui se trouve la fenêtre sans rideaux, fermées pour cause de chaleur et qui affiche un ciel d’après-midi de juin très bleu, trop même que c’en est un scandale, si ce n’était au moins un nuage aux allures de dragon, mais il ne le voit pas, pas plus qu’il ne voit le ciel bleu à travers les carreaux…

Pitiés, Philippe Raulet

mars 08, 2009

Le bel échange

On ne faisait que ça, s'embrasser. On s'embrasse, on s'embrasse. Après on s'aime et on ne cesse pas de s'embrasser. Nos langues vont si bien ensemble, on se mélange à partir de la bouche, le reste suit et vient tout seul. On a la bouche souple et bonne. Au réveil on s'embrasse encore, on s'embrasse et on refait l'amour. Sous la douche, on s'embrasse. Et dans les voitures. Partout. On s'arrête au milieu de la rue et on s'embrasse jusqu'à ce que les gens nous bousculent, c'est l'heure de pointe, on est au milieu du trottoir. On s'embrasse.

Le bel échange, Claudine Galea