Henri Gougaud
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juin 07, 2009
Bon anniversaire pépé
Nous sommes dans l’impasse-moi le sel. Nous ne pouvons plus nous nourrir sans risquer d’avaler des produits hautement pathogène-toi-pas pour reprendre du jarret de porc. On bourre les veaux d’antibiotiques, les légumes de DD t’es un vrai gourmet Alphonse, les poulets d’hormones. On flanque même du dyphénil dans les oranges ta bedaine sous la table, que j’amène le rôti. Pas étonnant qu’on soit malades. Ce qui me surprend encore un peu de sauce, c’est que nous soyions toujours vivants. Quand on pense aux enfants du Sahel et du pohâvre, on se dit qu’ils ont bien des ennuis, d’accord, mais qu’au moins ils ne mourront pas de pollution bactériologique. Tout le monde ne peut pas en dire autant qu’il y aura des étoiles sous la voûte des cieux. Ne braillez pas si fort on n’entend pas passer le plateau à fromage. Même l’eau n’est plus buvable. Elle est pleine de détersiffle-moi ce verre de Château-Laffite sur le camembert tu m’en diras des nouvelles. Je vous le dis, notre avenir est un vaste carême à la vanille. La crise de l’énergie va nous obliger à la vertu manges trop vite Alphonse, après tu te plaindras de ton aérophagie. Nous allons tous devenir, bon gré mal gré, des ascètes, et le premier qui dit ascète anglaise je lui envoie ma part de Saint-Honoré par la geule, tenez-vous le pour dit. En voilà assez. C’est dimanche, d’accord. Nous déjeunons en famille pour l’anniversaire de Pépé, très bien. Nous sommes tous de joyeux lurons, parfait. Mais nous pouvons tout de même parler de temps en temps de choses sérieuses sans déraper constamment dans le calembour suralimenté à la menthe. Quoi, à la menthe, qu’est-ce que ça veut dire ? Thé à la menthe. Jojo tu seras privé de dessert. Tu l’as déjà mangé ? Très bien, tu seras privé de Cognac. Quoi, à son âge, quoi ? Il en boit pas de Cognac à son âge. Et alors, il ne manquerait plus que ça. Tu sais ce qu’il y a dans le Cognac, tu le sais ce qu’il y a dans le Cognac ? De l’alcool à quatre-vingt dix. Et l’alcool à quatre-vingt dix, c’est plus dangereux que le haschich kebab. Que je t’y prenne à boire de l’alcool à quatre-vingt dix, hein. Oui, bon, d’accord, je me tais. N’empêche que la crise est là, et que la pénurie de veau est pour demain. Vous pouvez rigoler. Quand il faudra choisir entre la mort de faim et la mort aux rats on verra si tante Germaine chantera tant qu’il y aura des étoiles. Oui, la mort aux rats, parfaitementhe à l’eau. Parce que vous pensez que la pollution atmosphérique, c’est rien ? D’accord je me tais. On ne peut rien contre l’inconscience. Nous sommes au bord du gouffre, à l’aube de l’apocalypse, et nous qu’est-ce qu’on fait ? Rien. Qu’est-ce que tu dis, Pépé ? Si on faisait une belote ? D’accord, ça nous changera les idées. C’est ton anniversaire, que diable, il faut que tu en gardes un souvenir durable de lapin. Ah! Ah! très drôle, Alphonse. Il faut que Pépé s’en souvienne longtemps de son anniversaire de lapin.
21:55 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
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