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nov. 18, 2009

Jardin présent

...Humide. Mouillé. Trempé. Dégoulinant, grain après grain d'océan, comme je me faulile entre les buissons de la haie, passe sous les branches des jeunes chênes, atteint le marais des grands bouleaux. Le sol s'enfonce. Cède sous les pas. Le sol incertain même en novembre ne laisse pas découverte la terre - on ne la voit pas, elle, nue, sous ces couches superposées de feuilles détemprées, de brindilles, d'herbes effilochées, de plantes aqueuses en voie de corruption : ronces, bardanes, ivraies, orties, roseaux... Rarement un champignon seul bandant mollement, branlant du chef mauve. La botte l'évite. Ou dans une seconde violente l'écrabouille. Le valdingue. Je m'adosse au tronc tordu d'un vieux pommier. Et je regarde le monde au coeur de l'automne...

Daniel Biga

nov. 06, 2009

Les objets contiennent l'infini

...Travailler le blanc. Le pousser. Lui donner des mots. Une table. Une main. Des objets de l'autre clarté. dans la définition. C'est pour toi c'est pour moi. Bascule. Rien ne tient. Et il finirait par le croire! Mais dans le seul. Plus loin encore que la solitude. Le seul. Là où nous marchons toujours à notre propre rencontre. Loin l'un de l'autre. Dans une voix traversée, chantée, chantante. La voix du seul...

Royet-Journoud

oct. 15, 2009

Courir dans les bois sans désemparer

... J'aimais bien aussi les dessins de fous, m'asseoir dans les squares le chemisier ouvert sur ma gorge gonflée de sang, regarder les bébés tout mous dans leurs poussettes, les moineaux se battre pour des miettes de brioche, les hommes assis, les jambes écartées. J'écoutais les mères parler avec ferveur de leurs enfants. J'allais aussi à la fauverie du zoo de Vincennes, pour sentir l'odeur chaude et âpre des panthères. J'aimais surveiller le flanc rayé et danssant du tigre, sa langue veloutée parfaitement rose. Au musée des Colonies j'attendais longtemps, devant l'aquarium géant, le mérou centenaire, énorme. Il surgissait des ténèbres et venait se coller à la vitre, son regard abyssal me clouait de terreur. Me donnait aussi du courage.

Sylvie Aymard

oct. 14, 2009

Volatiles

... D’une lisière à l’autre des terres et des mers, qui savaient du ciel qu’il était immense et vide, qui avaient vu de tout temps, depuis le vide du ciel, depuis le vide éclaté des continents, depuis la dérive des origines, la forme d’une terre à peu près ronde, la forme d’un monde comme une petite boule composée de petites boules grouillant de petites boules séparées par du vide, seuls les oiseaux rappellent encore, avec le tracé migratoire de leur écriture labile, que les hommes sont habitants de l’espace, que les racines dela terre et de l’homme sont aériennes, de quelque côté que son sommeil ou ses pieds le reposent, qu’il ne reste rien d’aucune origine, qu’il ne reste rien de l’origine éclaté des continents, sinon la trace volatile des transmigrations…

Kossi Efoui

 

 

du klokobetz

dun moniga bla siz dlis tinjase mindala moniga dlis dûn zalin god blo slonda dlis frerûn jaun jinka jalin madaz dhal moniga moniga moni moniga slonda kedûn bla velvojenm slonja ket vrubla blotaj pajet fel dlis ser dajn zalin god lemsatil ardse klipsa kadin anda jûgei klautchiz goj logûron dûn rûn lilalende lilalende dhal dûn lemsatil bla ipsel fel data dahel fûluj dlis bla siz jakat soibalak pazaz gaj bla jalin movel gayoj bla jalin plavij vangard...jalin madaz bla moniga moniga moniga kitztila pajat fel...

Nosfell

sept. 30, 2009

La boite noire

Il y a eu cet énorme rayon de lumière blanche. J'ai senti que mon corps s'élevait à l'aplomb dans les ténèbres, à une vitesse folle. J'ai eu peur de heurter une borne invisible du cosmos. Un souffle d'air chaud m'a ramené sur terre et m'a couché, lentement, au beau milieu d'un pays d'horreur. Là, immobile, incapable de me hisser sur mes jambes ou même d'ouvrir les yeux, je n'ai pu que les entendre : chiens hurleurs et loups affamés, hyènes meurtries au rire aigre, feulements de fauves autour de ma carcasse. Le silence et l'oubli ont mis des siècles à tisser un cocon où, enfin, j'ai pu me lover tout entier.

Tonino Nenacquista

sept. 21, 2009

Mygale

Alex avait passé la nuit au village. Le soir, il y avait bal, c'était samedi. Annie était là, toujours aussi rousse, un peu épaisse ; elle travaillait à la conserverie de haricots, au village voisin... Alex avait dansé un slow avec elle, avant de l'amener dans le bois tout proche. Ils avaient fait l'amour dans sa voiture allongés inconfortablement sur les sièges inclinables. Le lendemain, Alex était parti, après avoir embrassé les vieux. Huit jours plus tard, il attaquait la succursale du Crédit Agricole, et tuait le flic. Au village, tout le monde devait avoir gardé la page du journal, avec la photo d'Alex a la Une et celle du flic en famille.

Thierry Jonquet

sept. 09, 2009

Journal Intime d’un marchand de canons

Je me suis toujours beaucoup préoccupé du degré de romanesque de ma vie. La plupart de mes homologues diront qu’ils se sont retrouvés à vendre des armes un peu par hasard : pas moi. J’ai spécifiquement choisi ce métier dès ma sortie d’école de commerce parce qu’il permet, voire encourage, l’inattendu, le hors-norme, le spectaculaire. Faisant le pied de grue dans l’antichambre surchargée d’une résidence moyen-orientale, un catalogue de missiles à la main, je me félicitais secrètement de la coïncidence presque parfaite entre ma situation et une scène des romans d’espionnage que je dévorais avec ferveur. Si les portes richement ornées de la salle finissaient par s’ouvrir sur un salon tapageur occupé par des militaires ombrageux et des cheikhs ventripotents, je jubilais. Si elles ne découvraient en revanche qu’une salle de réunion occupée par trois jeunes fonctionnaires en costume, j’avais du mal à cacher ma déception et ne pouvais m’empêcher, tout en récitant avec conviction mon argumentaire commercial, d’espérer que la conversation prendrait un tour moins convenu (demande de pots-de-vin, complot, opérations illégales : les possibilités ne manquent pas, tout de même !).

Philippe Vasset

sept. 08, 2009

Histoire de la chauve-souris

Plus tard j’entre dans une longue rue où les tours sont des lettres majuscules, les portes et es fenêtres des lettres minuscules, où les arbres, les bancs, les enseignes, les feux de signalisation sont des points d’interrogation. Je m’avance en essayant de lire et soudain m’aperçoit avec horreur que derrière chaque lettre, petite ou grande, il y a un homme qui s’agite comme un guerrier sur son destrier et tape à coup de lance sur ses voisins, essayant de faire tomber leurs lettres ou leurs signes, et poussant les siens à la place sitôt qu’il a réussi. Les lettres glissent, tombent, se relèvent, se remplacent, la rue bouge sans arrêt. Je m’étonne du labeur acharné de ces hommes, car il est bien évident que ce mouvement perpétuel ne favorise par une lecture suivie, l’interdit même tout à fait. Bientôt les colonnes mouvantes avec leurs traces noires qui sautent me donnent le vertige et je m’éloigne en fermant les yeux.

Pierrette Fleutiaux

sept. 04, 2009

La grande histoire des couleurs,

... Je rompis le silence, et demandai au vieil Antonio comment il avait trouvé le chemin du retour. - Je ne l'ai pas trouvé, répondit-il. Il n'était pas là; je ne l'ai pas trouvé. Je l'ai fait. C'est comme ça que se font les chemins. En marchant. Tu croyais que le chemin était là quelque part, et que tes appareils allaient nous dire où. Mais non. Et après tu t'es dit que je savais où il était, et tu m'as suivi. Mais non. Je ne savais pas où était le chemin. Mais par contre ce que je savais c'est que nous devions le faire ensemble. Comme nous l'avons fait. Et que c'est comme ça que nous sommes arrivés là où nous voulions. C'est nous qui avons fait le chemin. Il n'y en avait pas.

Thierry Lenain

août 22, 2009

Le cœur n’est pas moderne

… J’ai pensé à nous… Mais en buvant mon thé j’ai pris conscience de quelque chose… je me suis dit : je danse le tango depuis onze ans, bien sûr il y a les visages habituels, ceux qu’on retrouve, les copains… mais il y a tous les autres, les visages qu’on oublie… je pensais à nous, à nous tous… je pensais : tant de visages oubliés multipliés par nous tous… Nous avons en nous tous une foule de visages oubliés… une foule… innombrable… Et de là j’en suis venue à voir plus loin, à imaginer tous ceux qui dansaient à la minute même un peu partout dans le monde… je voyais que partout, à des milliers de kilomètres à l’ouest, à l’est, au sud, au nord, une danse commençait, une danse finissait… et ça recommençait, partout, continuellement… Je me suis levée de mon canapé pour aller ouvrir un atlas… Et pendant que mon thé refroidissait je savais qu’il était dix heures à Moscou… et maintenant que je te parle il est là-bas à peu près minuit, et des gens ont fini de danser, ils remettent leurs manteaux, ils vont rentrer chez eux… J’ai passé une bonne partie de ma soirée seule avec des milliers de gens qui dansaient tous en même temps mais pas à la même heure… à Moscou, à Lisbonne, à New York… Voilà. Tu vois, c’était une belle soirée… C’était aussi bien que danser… Je me demande même si ça ne va pas m’entraîner à recommencer… à m’absenter plus souvent…

Martine Drai

août 13, 2009

Dimanche

Entre les rangées des arbres de l'avenue des Gobelins

Une statue de marbre me conduit par la main

Aujourd'hui c'es dimanche les cinémas sont pleins

Les oiseaux dans les branches regardent les humains

Et la statue m'embrasse mais personne ne nous voit

Sauf un enfant aveugle qui nous montre du doigt.

J. Prévert

 

 

août 12, 2009

La ferme des animaux

"Camarades, est-ce que ce n'est pas clair comme de l'eau de roche ? Tous les maux de notre vie sont dus à l'homme, notre tyran. Débarrassons-nous de l'homme, et nôtre sera le produit de notre travail. C'est presque du jour au lendemain que nous pourrions devenir libres et riches. A cette fin, que faut-il ? Et bien, travailler de jour et de nuit, corps et âme, à renverser la race des hommes. C'est là mon message, camarades. Soulevons-nous ! Quand aura lieu le soulèvement, cela je l'ignore : dans une semaine peut-être ou dans un siècle. Mais aussi vrai que sous moi je sens la paille, tôt ou tard justice sera faite. Ne perdez pas devue l'objectif, camarades, dans le temps compté qu'il vous reste à vivre. Mais avant tout, faites part de mes convictions à ceux qui viendront après vous, afin que les générations à venir mènent la lutte jusqu"à la victoire finale. Tous les hommes sont des ennemis. Les animaux entre eux sont tous camarades..."

G.Orwell

juil. 11, 2009

Pour toi mon amour

Je suis allé au marché aux oiseaux

Et j'ai acheté des oiseaux

Pour toi

Mon amour

je suis allé au marché aux fleurs

Et j'ai acheté des fleurs

Pour toi

mon amour

Je suis allé au marché à la ferraille

Et j'ai acheté des chaines

De lourdes chaines

pour toi

mon amour

Et puis je suis allé au marché aux esclaves

Et je t'ai cherchée

Mais je ne t'ai pas trouvée

Mon amour

J. Prévert