août 22, 2009
Le cœur n’est pas moderne
… J’ai pensé à nous… Mais en buvant mon thé j’ai pris conscience de quelque chose… je me suis dit : je danse le tango depuis onze ans, bien sûr il y a les visages habituels, ceux qu’on retrouve, les copains… mais il y a tous les autres, les visages qu’on oublie… je pensais à nous, à nous tous… je pensais : tant de visages oubliés multipliés par nous tous… Nous avons en nous tous une foule de visages oubliés… une foule… innombrable… Et de là j’en suis venue à voir plus loin, à imaginer tous ceux qui dansaient à la minute même un peu partout dans le monde… je voyais que partout, à des milliers de kilomètres à l’ouest, à l’est, au sud, au nord, une danse commençait, une danse finissait… et ça recommençait, partout, continuellement… Je me suis levée de mon canapé pour aller ouvrir un atlas… Et pendant que mon thé refroidissait je savais qu’il était dix heures à Moscou… et maintenant que je te parle il est là-bas à peu près minuit, et des gens ont fini de danser, ils remettent leurs manteaux, ils vont rentrer chez eux… J’ai passé une bonne partie de ma soirée seule avec des milliers de gens qui dansaient tous en même temps mais pas à la même heure… à Moscou, à Lisbonne, à New York… Voilà. Tu vois, c’était une belle soirée… C’était aussi bien que danser… Je me demande même si ça ne va pas m’entraîner à recommencer… à m’absenter plus souvent…
Martine Drai
15:39 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
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