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mai 24, 2009

Ouvrez

"- Oh regardez, on voit quelque chose...on distingue mal...c'est sorti de la "parole donnée", ça s'avance en rampant vers la paroi, vers nous...une forme tremblante...

- Un transfuge...Vous l'entendez ? Il frappe doucement...c'est un chuchotement...Les contrevérités nous attaquent, elles cognent de toute leurs forces...on n'en peut plus...venez à notre secours...sortez...je vais ouvrir...que de la vérité sorte...Nous on demande pas mieux...chez nous, les vérités, même celles qui sont les moins bonnes à dire circulent librement...et rien que de voir celle-là enfermée, comprimée comme ça...on commençait à ses entir incommodés...

- Seulement voilà, il a eu peur, il a juste entrouvert un peu et vite il a refermé, il a déguerpi à toute allure, il est retourné ni vu ni connu se mettre à l'abri dans "la parole donnée"...

- Mais quelque chose a réussi à s'échapper par la fente... "Pourtant" qui se tenait tout contre la sortie, trépignant comme toujours d'impatience...prêt à s'élancer... "Pourtant" a réussi à passer..."Pourtant"? Toutes les contrevérités s'immobilisent, médusées..."

Nathalie Sarraute

mai 17, 2009

Souci

... Et quand vous enlevez l'autre peau, le sac qui vous sert de visage ils sont là les soucis. La trace de vous -même remorqué dans la vie par la peau du cou, raclé par les fesses ou cogné dans le mur. On enlève cette peau-là aussi, pour réfléchir un moment : on la tient devant soi, les yeux dans les yeux on se regarde. Qui tu es, toi, si on enlève ce que tu n'as pas choisi et qui s'écrit. Qu'est-ce qui te reste ?...

François Bon

mai 08, 2009

Je marche au bras du temps

Le poids des souvenirs, la vie dans les souvenirs, l'appartenance et le désir de fuir, le destin, la liberté, le choix, la vocation, les rencontres, les mystères et les énigmes, les fantômes et les révélations. Le goût du bonheur, ah, le goût du bonheur! C'était comme un livre qui plongeait dans les deux autres, qui revenait sur les noeuds, les trous, les silences. Et qui m'obligeait à écouter ma vie, en grattant jusqu'à l'os. Quand on a le temps, la vie fait de l'écho. Et on entend cet écho, qui revient, qui se propage, qui insiste. On écoute et on comprend, douloureusement parfois. Des liens se font, des évidences s'imposent. Et des éclairs, soudain transpercent le ciel. C'est un livre qui m'a fait mal, que j'ai eu du mal à écrire. Mais qui m'a libéré, délivré. Du désert j'avais fait un livre. J'avais trouvé la source. L'écriture fait vivre et donne la vie.

Alain Rémond

Siddhartha

A chaque pas qu'il faisait sur la route, Siddhartha apprenait quelque chose de nouveau, car le monde pour lui était transformé et son coeur transporté d'enchantement. Il vit le soleil se lever au-dessus des montagnes boisées et se coucher derrière les lointains palmiers de la rive ; il vit, la nuit, les étoiles, leur belle ordonnance dans le ciel et le croissant de la lune, tel un bateau flottant dans l'azur. Il vit des arbres, des astres, des animaux, des nuages, des arc-en ciels, des rochers, des plantes, des fleurs, des ruisseaux et des rivières, les scintillements de la rosée le matin sur les buissons, de hautes montagnes d'un bleu pâle, au fond de l'horizon, des oiseaux qui chantaient, des abielles, des rizières argentées qui ondulaient sous le souffle du vent. Toutes ces choses et mille autres encore, aux couleurs les plus diverses, elles avaient toujours existé, le soleil et la lune avaient toujours brillé...

Hermann Hesse