janv. 11, 2012
Ciel et terre
Les nuages, cependant, lui offraient sans réticences leur variété. Ils avaient là un ciel entièrement libre à parcourir, entre la montagne et la mer, là-bas, moins d'une centaine de kilomètres vers l'est. La solitude leur convenait. Leur douce concentration cotonneuse se conciliait très bien avec des géométries exigeantes. Il pouvait reconnaître en eux à volonté des navires, des barques, des goélettes, des steamers, des yachts, des pirogues, des radeaux, des îles. Il rêvait avec eux de navigation, d'enchantements, d'aventures. Il embarquait sur leur pont, il traversait avec eux la Méditerranée du ciel. Il s'imaginait capitaine de nuages, mousse, corsaire stevensonien. Avec tout son équipage, brusquement, il abandonnait la Marie-Céleste dans les mers du Sud, s'éloignait en chaloupe, laissant le navire intact, la marmite de soupe encore chaude sur la table du mess ; mystère absolu, nuage.
Jacques Roubaud
13:18 Publié dans LITTERATURE / Anthologie de Corinne Le Lepvrier
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