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avril 06, 2010

La matière du poème

Le travail du poète est d'être au monde à l'état de veille, de se river à la chaîne des instants, de s'en saisir, de capturer ceux qui se cristallisent dans le ferment perpétuel de l'alchimie intérieure, au point qu'ils acquièrent leur autonomie et qu'ils se mettent à briller à la surface de l'esprit, dans la fixité d'un fruit ou d'une fleur qu'il suffit de cueillir, dans l'immobilité d'un grain qu'il convient de picorer, dans le lent déplacement d'une fourmi, d'une mouche ou d'une guêpe qu'il y a lieu de gober, ou encore dans la célérité d'un lièvre ou le jeu du mouvement et de la dissimulation d'une perdrix, il faut ruser pour l'attraper dans ses serres, telles sont les prises du poète lorsqu'il se déplace de par le monde à travers les climats et les langues, comme à travers les paysages et les textes, homme qui se saisit de la seconde qui passe comme des millénaires, touchant au passage la matière qu'il amasse pour l'introduire dans sa fabrique des signes, rencontrant aussi les signes déjà constitués et qui appartiennent à la mémoire des lieux et des langues, signes qu'il intègre à son propre registre pour les croiser avec ses propres signes ou pour les laisser agir à l'état sauvage, laissant au hasard l'émergence de leur empreinte...

Abdelwahab Meddeb

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