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nov. 04, 2013

Sonnets à Orphée

O voici l'animal qui n'existe pas.

Ils ne le savaient pas et pourtant l'ont aimé (...)

Certes, il n'existait pas. Mais parce qu'ils l'aimaient

un animal pur naquit. Ils laissaient toujours de l'espace.

Et dans cet espace, clair et épargné,

il leva légèrement la tête et eut à peine besoin d'être. Ils ne

le nourrirent d'aucun grain,

mais uniquement de la possibilité d'être.

Et c'est elle qui donna une telle force à l'animal...

 

Rilke

nov. 03, 2013

Lettres en provenance de la nuit (1950-1953)

Le 16.4.51. Ne pas presser la fin. Mais une fois que la nostalgie a allumé la lumière par les deux bouts – quoi alors ?

Toujours vécu au comble de la ferveur. Étant enfant pendant les nuits avec les terribles soleils dorés. Crucifiés de noir. Les parents, les bien-aimés cherchés toute la nuit dans l’angoisse. Des promenades au zoo dans le soleil du soir. Lumière de supplice. Tout à coup un pré reconnu. Sorti d’où ? Une chanson, un parfum. Toujours été sujette au plus lointain. L’angoisse à l’école, de donner à voir mon étrangeté. Toujours retranchée. La chérie chantait… y passent les cygnes… à force de chant elle faisait si doucement monter l’eau sombre du repos du sommeil enfantin – toi ma mère !

Mon père apportait des poires dans ma fièvre – mon père et la musique – un menuet de Rameau. Danse – danse les yeux fermés, beaucoup de larmes étaient à l’intérieur et les yeux de désert d’Israël – ce terrible amour à un cheveu de la mort – beaucoup de maladie – la guerre – mon père ta souffrance et tous les secrets de tes derniers jours – des forces qui devaient venir à moi – ta bénédiction – puis le temps de l’horreur – silence – sauvée ici en Suède avec la plus chère et souvent comme morte avec elle. Toujours vécu à l’extrême limite – entrainée à mourir. Aimer c’est s’entraîner à mourir. 

 

 Nelly Sachs