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ou REECRIRE
"Réécrire, c'est écrire de nouveau, c'est recommencer, écrire encore. C'est aussi remettre en jeu, réinterroger, préciser, changer, aller autrement"
Quelques productions
...
Prolongement d'une phrase d'amorce choisie dans un de ses fragments.
Ces jours-là, les déjeuners sur l’herbe ne sortent pas d’un tableau de Manet, ils sont les prolongements du temps, des instantanés de bonheur, que la rareté rend encore plus précieux.
Fuir la ville, se retrouver dans un endroit, tromper la vigilance des autres, arriver comme si de rien n’était en jetant derrière soi un dernier regard de surveillance, et puis gagner la liberté à l’écart du monde.
Attendre l’autre, le cœur dérangé, la peau délicatement perlée d’une sueur d’angoisse, confondre les bruits et en inventer d’autres, mélanger les pensées de liberté et d’interdits. S’apaiser un instant et s’asseoir sur l’herbe la plus tendre, sortir du panier la nourriture prétexte.
Se relever au moindre tressaillement de l’herbe sous des pas, se jeter enfin dans ses bras, et puis s’asseoir, s’allonger même, se toucher et attendre encore que l’un révèle en premier l’indicible bonheur d’être là.
Anna. L
Une femme, suspendue aux barreaux du lit, pratiquait des exercices de musculation...Un, deux, un deux, couchée, assise, couchée, assise. Elle sent ses muscles abdominaux se contracter ; elle y prend plaisir, elle sait qu'elle modèle son corps. Sentiment de puissance. Un, deux, un, deux... Ses muscles deviennent tendus, douloureux, mais il ne faut pas céder, il faut durer. Rouge, essoufflée, transpirante, animée par la seule volonté, elle ne cèdera pas. Elle jette un œil à la pendule. Tenir encore deux minutes... mais le temps semble se ralentir... Chaque nouveau redressement lui arrache un gémissement, mais dans cette épreuve, elle se sent exister. Un vague souvenir d'école, citation impériale, lui revient, flattant sa fierté, ranimant son courage : " Je suis maître de moi comme de l'univers, je le suis, je veux l'être." Elle retombe lourdement sur ce dernier effort, anéantie mais heureuse : elle règne !
Annick. D
Remonter un texte, phrase à phrase, procéder aux ajustements nécessaires, réécrire.
Réitérer le procédé avec le texte produit, réécrire...
Exaltation
Mystérieuse nature
Cette grande famille
Construire une belle cabane
Grimper en haut des arbres
Secrètement perdu au creux des forêts
Goûter à l'ivresse de la vitesse
À bicyclette, en patin ou sur une balançoire
La tête en arrière, en avant... sur les épaules
Le regard balayant le sol, suivant le trajet d'une fourmi...
Au fond d'un bocal empli de feuilles humides
Je suis mon héros, je suis mon imagination
Je marche, cours, je vole, je rugis
Des caramels au fond des poches
Le jour, la nuit proche
Il est déjà tard
Quelques chaudes blessures
Le sommeil
Maison
Mûr
En douce
Faire le mur
Courir après un rêve
Quand on a seize ans
Grimper, romantique, le long du lierre
Secrètement amoureux au creux de la nuit
Goûter à l’ivresse de nos frêles caresses
En stop, à pied, ou sur une vieille balançoire
Le regard balayant le paysage, suivant les contours de ce visage
Au fond, bancal, la vie s’imagine dans un ailleurs
On suit nos héros, je suis mes inspirations
Je marche, cours, je vole, je crie
Des mots fébriles au fond des poches
La nuit, le jour proche
Il est déjà tard
De chaudes blessures
Le sommeil
Maison
Dehors,
L’éveil…
La tête froide.
Il est temps maintenant !
Quand on a vingt ans…
Des étoiles filantes plein les yeux
Je suis mes rêves, plane, je rage
Je rencontre, file, j’aime et je déteste
Dans mon bocal empli de livres aux feuilles noircies
Engourdi, prisonnier du lit où une nuit dure une vie,
Le regard balayant le plafond, suivant le trajet d’un amour…
Le désir au creux des reins,je viens…je vais
A bicyclette, seul ou en bande, dans les rues
Goûter à l’ivresse, fuir le stress
Secrètement perdu au creux des bars
Construire une belle maison
Une grande famille
Mystérieuse nature
Introspection
Construction
Prédestination atavique
Seul en famille
Nourrir un bel enfant
Secrètement au creux des bras
S’enivrer de son parfum
Dans ses yeux sentir son ivresse
A quatre pattes, debout, sur le sol
Le désir dans les veines, de vivre, courir
Le regard ouvert balayant tout autour, suivant mon trajet
Endurci, attentif à ses nuits, où dure toute ma vie
Dans notre bocal, empli de livres aux feuilles jaunies
Je découvre, dévoile, j’aime, et je vie
Je suis ses rêves, plane, je nage
Toujours mon étoile dans les yeux
Quand on a la trentaine
Il est toujours temps
Mon unique famille
Nature mystérieuse
Envoûtement
Samuel. B
Paysanne
Je ne suis qu’une femme de la campagne, une paysanne.
Le dimanche, les déjeuners sur l’herbe ne sortent pas d’un tableau de Manet, ils sont des prolongements du temps, des instantanés de bonheur que le kodak immortalise.
Ces jours-là, je mets ma plus belle robe, un soupçon de rouge à lèvres et un parfum inoubliable.
Les racines ancrées dans la terre nourricière, et les ailes prêtes à l’envol vers des contrées lointaines, le teint hâlé sous le soleil d’août et les lèvres gercées par les frimas de décembre, les chevilles blessées dans les guérets d’un champ moissonné ou salis dans la boue du chemin.
Y a-t’il un métier aussi multiple que le mien ? Botaniste, herboriste, bergère, vétérinaire, jardinière, commerçante, astrologue, météorologue, comptable, citoyenne et mélomane.
J’assiste chaque jour au concert de la nature, le murmure du ruisseau qui se donne des airs d’opéra après le grain du printemps, la musique du vent dans les blés en herbe, les pépiements d’oiseaux au bord de leurs nids ou au creux de la charmille, les duos de batraciens les soirs de juin, et même les couacs des machines agricoles.
Je connais les nouvelles du monde : la TSF me donne les informations du midi juste après le jeu des mille francs de Lucien jeunesse, et le soir, après la traite, pendant le souper ou à la veillée, j’écoute les extraits d’une pièce de théâtre avec les voix de Roger Guyot et Guy Parigot.
Les recettes et dépenses en deux colonnes, les plus et les moins, les multiplications et divisions, le reste m’intéresse
Le soleil se couche dans le feu ou bien dans les nuages, le vent apporte les bruits de l’ouest et je sais s’il fera beau demain.
La lune et les étoiles, les cycles des marées me guident dans les travaux de la terre.
Je vends les produits de la ferme, œufs ou chapon, lait ou fromage, viande ou légumes et leur qualité vous rassure.
Dans mon jardin, légumes et fleurs se côtoient et s’offrent leurs bienfaits pour contenter les ventres et les yeux.
L’élevage n’a plus de secret pour moi, et je soigne mon troupeau avec l’intuition, l’expérience et la transmission de mes ancêtres.
Je cueille les simples et autres médicinales et adoucis les maux du quotidien.
Je connais le nom des arbres qui ombragent la cour, et ceux des haies de nos champs, toutes les plantes et fruits sauvages
Ignorante de tout ce que vous savez, différente de votre image, rivée au pays, loin de vos voyages, je travaille tout au long des jours et des années, en éliminant de mon vocabulaire le mot vacances.
Je ne connais rien à votre vie, celle de la ville, de l’atelier, du tramway, des bureaux, de l’université.
Anna. L
Longitude
Non, plutôt gravir l’échelle qui conduit jusqu’aux nuages et contempler de là-haut les méridiens et les parallèles qui mesurent la géographie, la carte du monde, ce monde dans lequel les autres s’agitent.
S’étaler en toute latitude ? Servir de paillasson ?
La longitude, parce que se ratatiner ou s’aplatir, ce n’est pas vraiment joyeux.
La longitude, parce que, si l’on est petit, cela nous donne l’espoir de grandir encore ou du moins paraître plus grand, comme lorsque notre ombre s’allonge sur le sol gorgé de soleil
La longitude, parce que plus l’âge avance, plus les journées sont longues, et avec cela la solitude, l’hébétude, la finitude, avec toute la latitude qu’un esprit encore sain peut prendre pour garder le cap jusqu’à la fin du voyage.
La conjonction des deux idées, liée à leur sens propre, aboutit à l’instant T, la perpendiculaire, le point de convergence, la ligne de fuite, le rayon vert…
Certains la considèrent plutôt dans la latitude…
La vie dans toute sa longitude…
Anna .L