"Matières à écrire", Guérande, 2009, Culturel
Annick. D
"Un inventaire derrière une porte"
Chaleur
Silence
Un chat qui se faufile
Long couloir sans âme
Une cour
Des platanes
La loge du concierge
Un petit par terre de fleurs
Une arrière cour servant de parking
Un portique
Bruit de cloche
Groupes d’élèves
Blouses grises
Vieilles filles
"L'histoire derrière une porte"
Elle n’oubliera jamais ce jour. Un jour comme tous les autres où, au sortir de l’école, elle longeait comme d’habitude la rue Saint Antoine. Elle sautillait, insouciante, dans la fraîcheur d’un printemps déjà éclos. Soudain, pour la première fois, son regard, son cœur, restèrent suspendus à la grille du 101. C’est un miaulement qui avait accroché son attention. Puis, glissant d’un bond entre deux barreaux, le chat avait longé furtivement la muraille et disparu au coin du bâtiment. Elle, dehors, bloquée par la porte, l’avait suivi des yeux. Elle s’imagina empruntant à son tour l’austère couloir pavé, avançant entre ces hautes murailles grises que garnissaient quelques fenêtres grillagées. Sa gorge se serra. Elle venait de comprendre qu’il lui faudrait un jour franchir cette porte. Elle en sentit tout le poids, entendit le grincement lugubre des gonds et le claquement qui referma la porte sur elle, l’emprisonnant dans cet espace hostile. Au bout de ce tunnel à ciel ouvert, des groupes de jeunes filles en blouse écrue allaient et venaient. De confuses paroles, percées de quelques cris, avaient chassé le silence. On pouvait donc rire dans ce décor lugubre ? Tout son être se tendit à l’idée de devoir un jour y prendre place. D’austères silhouettes en chapeautées traversèrent la cour ; on aurait dit les sorcières de son livre de contes. Une cloche sonna, subrepticement les blouses disparurent, un silence de plomb retomba sur l’asphalte. Une chape de plomb s’abattit sur elle ... C’était donc cela la vie des grands ....