"Matières à écrire", Guérande, 2009, Culturel
session 6 :"ESTIMER-CLOTURER-OUVRIR"
ou TOUT SE TERMINE PAR UN MOMENT D'ANALYSE
intersession 6, consigne : venir avec un objet à vous, pas à vous, pas trop volumineux !
"Estimer Matières à écrire, clôturer, arrêter, dire au revoir et à bientôt, aux autres, à ce dispositif d’écriture"
Quelques productions...
Lettre à un jeune auteur
Cher Timothée,
Je vous sens hésitant. D’un côté l’amour de l’écriture, de l’autre des doutes : à quoi bon écrire aujourd’hui ? Tout n’a-t-il pas été déjà dit ? D’autres moyens , cinéma , photo, ne sont-ils pas des modes d’expression mieux adaptés à notre époque ?
Il me semble, pour ma part, que l’écriture ne peut leur être comparée. Chacun à sa spécificité, et ne peut se substituer aux autres.
L’écriture, voyez-vous, joue comme une source. On s’y penche et l’on voit sourdre un flux de mots. Il nous surprend.
D’où vient-il ? Où va-t-il ? Je ne le sais.
Il passe par moi, prend forme en moi et aussitôt me dépasse, me déborde. Se révélant à moi, il me révèle à moi-même.
Je croyais me connaître, du moins connaître mon histoire... Il n’en est rien. Mon passé n’est que bribes inachevées, mon passé est futur. Aujourd’hui, comme le grand Henry Bauchau, "j’ignore ce que le passé me réserve". Toujours repris, suscité, transformé par le travail d’écriture, il reprend vie, fait de nouveaux choix, se courbe ou se déplie. L’écriture ouvre un avenir au passé, elle me sauve du piège du temps.
Mais écrire, c’est aussi faire chair avec les autres. Ils surgissent à chaque mot.
Mots habités d’une expérience, d’une histoire, d’une tradition, mots reçus et à nouveau fécondés. Eternelle ronde du jeu des mots, du Je des mots...
Puisse ce petit témoignage vous encourager, cher Timothée, à persévérer dans votre beau métier de tisseur de mots. Si certains soirs, vous manquez de confiance en vous, ayez confiance en eux, ils vous guideront.
Bien à vous,
Annick. D