"Fenêtres/Passages", La baule, 2011, A.Culturelle
Quelques fragments
Si on me laissait faire
Je laisserais germer mes rêves
Si on me laissait faire
J’irai le bercer dans la clairière
Si on me laissait faire
J’ouvrirais tous les volets verts
Si on me laissait faire
Je déploierais grand ses ailes
Si on me laissait faire
Liberté serait le premier mot du dictionnaire.
Nicole Taillé
J’ai traversé la rue les yeux fermés
J’ai traversé une plage de galets ronds
J’ai traversé le jardin sauvage à la recherche de la maison de pain d’épices
J’ai traversé le sable brûlant en riant
J’ai traversé la glace qui recouvrait le lac
J’ai traversé des chemins de traverse et suis retombée dans la même ornière
J’ai traversé plusieurs fois la même rivière
J’ai traversé une nuit qui dura des années
J’ai traversé les broussailles et les épines et je m’en suis sortie…
Dominique Laporte
J'ai traversé un champ d'étoiles, la nuit de la saint-Laurent.
J'ai traversé la motte de beurre avec un fil d'argent.
J'ai traversé dans les clous, des vrais clous. La chaussée était pavée, et les feux étaient peints en marron.
J'ai traversé un champ d'orge -à quatre pattes pour ne pas me faire gronder.
J'ai traversé le lac de Saint Point à la nage et on m'a remis un fromage pour honorer ma performance.
J'ai traversé la forêt, mon panier au bras, avec ma galette et mon petit pot de beurre, mais le loup était en RTT.
J'ai traversé les mers et les montagnes, les steppes et les forêts, et maintenant, on me traite de menteur, ronchonne Marco Polo, assis sur son nuage.
J'ai traversé les murailles et la lumière me traverse. Pourquoi ont-ils si peur de moi ?
Eve-Marie Eygout
J’ai traversé la porte et dépassé les murailles
J’ai traversé les grilles, déverrouillé les serrures, franchi les barbelés,
J’ai traversé les nuages, percé les cumulus et atteint tes rêves,
J’ai traversé les ombres, les nuits, les boîtes obscures, pour rejoindre le filet de lumière
J’ai traversé la feuille de papier et troué le paysage
J’ai traversé, transpercé, perforé, creusé, et trouvé la fenêtre.
Nicole.T
(Itinéraire)
Traverses
Tu prends la première rue à droite et tu passes sous le cinquième porche à gauche. C'est la porte de la grand-route.
Dans ton pochon de plastique rouge, un paquet de Mars et une bouteille de whisky. Pour te protéger du soleil, dis-tu, pour frimer, prétend Mère-grand à chacune de tes visites, tu portes une casquette de base-ball, une casquette rouge à très longue visière. En-dessous, des vraies-fausses Ray-Ban achetées sur le marché.
Tu descends la route et tu passes devant la station-service.
Tu tournes à gauche, dans un chemin de terre. Cent mètres plus loin, un fossé, couronné de deux hauts talus.
Tu sautes, pochon au vent, et te retrouves dans la forêt.
Tu suis l'allée de fougères en guettant derrière chaque tronc de hêtre. Rien. -Personne.
Grand-maman habite au bout de l'allée, dans sa maison à ossature bois. Tu sonnes à la grille du jardinet. Pas de réponse. Tu pousses la grille et traverses le jardinet, où poussent des plantes exubérantes.
La porte est ouverte. Tu pénètres dans l'entrée. Tu entends des exclamations sourdes et cours dans le salon.
Grand-maman n'est pas seule : elle dispute une partie de boxe sur la Wii avec le loup.
-Eh bien, tu n'étais pas dans la forêt, je t'ai cherché, t'exclames-tu.
-Désolé, répond le loup, je suis en RTT.
-Tu prendras bien un doigt de whisky, dit Grand-maman au loup.
-Moi aussi, j'en veux, réclames-tu. Je suis grande.
Alors, vous vous attablez tous les trois.
Eve-Marie. E