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Lettre d’un écrivain à un jeune auteur
S’il m’est donné le plaisir de vous répondre, permettez-moi ce préambule : Jamais une feuille blanche n’a refusé une plume chargée de trop d’encre, jamais elle ne s’est froissée sous le poids des mots ni celui de l’âge. Jamais elle n’a refusé d’être témoin des larmes de bonheur ou de chagrin de son lecteur. Jamais elle n’a rechigné à être enfermée durant des années dans quelque coffre doré au fond d’un chiffonnier garant des secrets de l’âme. Jamais elle n’a eu autant le désir d’être la fidèle auxiliaire de toutes les failles de la mémoire du temps si clément. Jamais elle n’a banni l’auteur qui la relègue maintes et maintes fois dans sa corbeille. Toujours elle sait attendre qu’une porte s’ouvre à chaque étape qui s’égrène. Toujours elle accueille les enchevêtrements de la pensée comme des fils de soie qui guident l’aveugle. Lorsque vous vous vous apprêtez à vous en approcher pour y trottiner, y courir, y faire une halte, y reprendre votre souffle, écoutez-la respirer et elle vous dira : « Je me sens multiple. Je suis comme une pièce garnie de miroirs innombrables et fantastiques, déformant en reflets factices une réalité centrale unique, que je ne retrouve en aucun d’eux et se retrouve en tous. »
Françoise. L
Tam-tamare
Il en a fallu des tons, des toits, des tatas, des ma fois, des falbalas, des prénoms croisés dans le tintamarre.
Il en a fallu des pas, des ratés sur les pavés de la rue des noës pour ne pas s’noyer.
Il en a fallu des labiles, des sourds et des clos pour ne pas manquer les barreaux de l’échelle.
Il en a fallu des oiseaux de bonheur, dès cinq heures, et les attraper, les apprivoiser dans le reste du cœur, sans rancœur.
Il en a fallu des motifs, des dentelles et des fermetures éclair, du molleton et des boutons pour suivre le fil, le bon.
Il en a fallu, mais il n’en faut plus que pour rire, faire rire aux éclats, sans aucun tracas pour la danse des rats : du Tam-tam complètement raplapla autour de moi.
Françoise. L
un personnage : Le forgeron
-« Ces mains, regardes-les ! » dit l’homme à la carrure herculéenne qui se dessinait sous son épaisse chemise de flanelle.
« Mais de quelles mains parles-tu ? », dit l’enfant tout en enlevant ses gants de laine pour découvrir ses longs doigts fins d’enfant de cinq ans. « Mes mains sont habillées pour la froidure lorsque je vais à l’école en hiver ; j’ai peur qu’elles deviennent toutes blanches et engourdies par le froid ».
-« Tu n’as rien à craindre, petit, elles pourront toujours se réchauffer au creux des miennes ».
-« Est-ce que tes mains ont toujours été fortes ? » questionna l’enfant.
-« Que veux-tu dire ? » repris l’homme, songeur, en tapotant de son poing sur les siennes.
-« Fortes comme celles d’un chevalier ? » demanda l’enfant de son regard brillant d’espoir.
-« Tu peux le dire, fils, sous mon armure de la forge, il me fallait la force d’Hercule pour frapper l’enclume, mais vois- tu, mes mains n’étaient pas protégées de gants de maille comme les tiennes. »
Alors le petit garçon réfléchit … « Comme Talibur,…tu soulèves le fleuron dont la pointe est rouge de braise, mais lourde comme un marteau…et puis tu laisses tomber…c’est trop lourd quand tu n’es pas encore un homme ! »
Il ne s’y attendait presque pas mais son père devança la suite de ses pensées.
« Les hommes, ils ne pleurent pas, dis papa, quand c’est difficile ? »
Le père hésita avant de lui répondre ; une image, celle de sa mère le traversa ; Il crispa ses lèvres, ses sourcils se froncèrent ; il ressentit un étranglement dans sa gorge et une douleur sur son flanc droit. Il surpris son fils regarder ses poings se serrer jusqu’à ce que ses ongles rentrent dans sa chair endurcie par le labeur ; puis il ne vit plus rien, comme si un voile s’était posé sur son visage pour atténuer sa rougeur accentuée par l’émotion qu’il tentait de maitriser ;
-« Comment peux-tu dire cela, fils ? Veux-tu savoir si les larmes s’évaporent sous le feu de la forge lorsqu’un homme perd sa mère ? Veux-tu savoir si le passant qui regarde le cheval qui se laisse ferrer peut imaginer que ce bel animal ait pu servir de bouc émissaire à l’enfant meurtri de se taire ? »
Il accéléra son pas sans se rendre compte que ceux de l’enfant s’inquiétaient de ne pouvoir le suivre. Les rides de son visage brutalement se creusèrent, un rictus passager traversa sa bouche.
-« Veux-tu que je t’assomme de décibels une journée entière, comme le faisait mon père, pour voir si ta tête va éclater à en devenir fou au point de ressembler à un homme que tout le village ignore ? »
Il s’arrêta brusquement : Devant le pas de sa porte, sa femme l’attendait ; après le tonnerre dans sa poitrine, il sentit une douce pluie s’écouler en lui ; il tendit son mouchoir à son fils, un grand mouchoir écossais en coton.
-« Allez, fiston, essuie ton nez, il a coulé avec ce vent glacé du soir »
Françoise. L